L’adolescence est une période de profonds changements, où les émotions se mêlent aux défis du quotidien. Quand l’anxiété prend le dessus, elle peut envahir chaque instant de vie, jusqu’à altérer le lien au corps, à la famille, à soi.
La thérapie brève systémique, associée à l’hypnose ericksonienne, offre une voie de changement à la fois concrète, bienveillante et dépathologisante. À travers l’histoire de Coline – le prénom a été changé pour préserver sa confidentialité – cet article explore comment la thérapie systémique peut aider à désamorcer la peur, restaurer la confiance et apaiser les interactions familiales souvent prises dans la spirale des angoisses de chacun.
Comprendre la thérapie brève systémique :
La thérapie brève et systémique s’ancre dans une logique interactionnelle : le comportement d’une personne n’est jamais isolé, il prend sens dans un système relationnel (ici il s’agira de la famille et du collège). Le problème ne réside pas seulement dans le symptôme, mais dans les tentatives de solution mises en œuvre par le patient et son entourage. Il ne s’agit pas de rechercher des causes, mais de modifier les interactions présentes qui entretiennent la souffrance.
Le modèle : modifier les interactions plutôt que chercher les causes
Le système est envisagé comme une relation dynamique entre l’individu et son environnement, régie par des mécanismes de perception-réaction.
Le protocole inclut souvent des prescriptions de tâches en fin de séance visant à couper progressivement les cercles vicieux qui génèrent la souffrance, à soulager la charge émotionnelle et introduire de nouvelles modalités d’interaction. Au lieu de chercher à comprendre le ou les symptômes dans l’espoir de provoquer un changement, le thérapeute incite le patient à expérimenter des nouvelles façons de faire ou d’être pour mieux comprendre le symptôme et ce qui se joue dans la relation.
Le cas de Coline : quand la peur prend le contrôle
Coline, 13 ans, consulte pour une phobie de type émétophobie (peur de vomir). Elle vit avec sa famille à l’étranger depuis 3 ans. Les symptômes : restriction alimentaire, peur obsédante de vomir, perte de poids significative, états anxieux avec hyperventilation. Ses parents, légitimement très inquiets, multiplient les tentatives de réassurance et incitent Coline à manger.
Nos entretiens mettent en évidence :
→ Du côté de Coline : lutte contre sa peur (“je ne dois pas vomir”), stratégies d’évitement, pensées intrusives, perte de contrôle émotionnel.
→ Du côté parental : hyper-investissement (“mange pour ne pas tomber malade”), surveillance constante, surprotection.
Comprendre les cercles vicieux familiaux
Ces tentatives alimentent des boucles interactionnelles négatives :
plus Coline cherche à contrôler sa peur, plus sa peur augmente ; plus les parents insistent, plus le symptôme se renforce.
Les premières prescriptions : affronter, apprendre à lâcher
Dès la première séance, deux axes de prescriptions sont introduits :
- Affronter vs éviter : Coline est invitée à convoquer volontairement sa peur (“Monsieur Vomi”) chaque jour, afin de l’exposer et de réduire son caractère obsédant.
- Lâcher vs contrôler : les parents acceptent le rôle de co-thérapeutes et reçoivent l’injonction de cesser toute question ou remarque sur l’alimentation, afin de désamorcer la boucle interactionnelle.
Ces prescriptions paradoxales déplacent le système :
la peur cesse d’être un ennemi à chasser, et l’entourage sort du rôle de contrôleur.
Les séances suivantes révèlent de nouvelles boucles :
plus Coline tente de contrôler ses émotions, plus elle en perd le contrôle ; plus elle appelle à l’aide, plus sa confiance s’amenuise.
Le symptôme se déplace alors : des nausées à une difficulté plus générale à exprimer ses émotions.
Le travail s’oriente vers l’expression du mal-être : tâche d’écriture pour dissiper et transformer le “mal-à-dire”. L’accent est mis sur les interactions familiales, la relation de Coline à son corps et à la nourriture.
L’apport de l’hypnose ericksonienne :
Plusieurs séances avec Coline ont permis d’installer une relation thérapeutique de confiance. L’hypnose, introduite en phase avancée de la thérapie, est utilisée comme un outil accélérateur de changement.
Elle permet alors de :
- reconnecter Coline à son corps et à ses sensations,
- mobiliser ses ressources intérieures via des métaphores,
- désamorcer l’objet d’angoisse et restaurer une confiance corporelle.
Des changements durables pour Coline et sa famille
En quelques mois, les progrès sont nets : Coline reprend ses repas, varie son alimentation, retrouve son poids initial, un équilibre émotionnel et s’exprime davantage.
Le suivi se conclut par une consolidation avec ses parents pour prévenir les rechutes et instaurer des boucles relationnelles vertueuses.
L’histoire de Coline illustre combien la thérapie brève et l’hypnose peuvent être des outils puissants pour traiter les troubles anxieux. Face aux défis d’un environnement nouveau, les symptômes peuvent parfois exploser et déstabiliser toute une famille. Mais en intervenant sur les interactions présentes, en modifiant les tentatives de solution et en mobilisant les ressources du système de vie de Coline, un changement rapide et durable est possible.
Cette approche, à la fois pragmatique et profondément humaine, ne se contente pas de “soigner”
un trouble :
elle redonne au patient la liberté d’agir et le sentiment d’être acteur de sa vie.